Afin de protéger les banques des chocs macroéconomiques et financiers, les autorités prudentielles mobilisent de nombreux outils d’analyse du risque, dont les tests de résistance ou stress-tests. Que sont-ils ? À quoi servent-ils ? Ce billet l’explique et va de pair avec un second billet sur le stress « grandeur nature » de la crise de la Covid sur les banques.
Les tests de résistance ou stress-tests ont fait leur apparition dans le cadre réglementaire avec les accords de Bâle II en 2004 : ces accords ont permis aux banques de développer leur propre modélisation des risques pour calculer leurs besoins en capital. En contrepartie, il est apparu nécessaire pour les superviseurs de disposer d’outils de stress-tests afin de vérifier la robustesse de ces modèles vis-à-vis d’un scénario économique et financier dégradé. La grande crise financière de 2008 a renforcé l’utilité de ces exercices, notamment pour évaluer et communiquer sur la capacité des banques à résister à des chocs d’une telle ampleur, et a conduit à l’instauration de grands principes par le Comité de Bâle en 2009. Les stress tests sont devenus récurrents à l’échelle européenne depuis 2009 et sont menés tous les deux ans par l’Autorité bancaire européenne.
Ils consistent à simuler l’impact d’une crise économique et financière sur chacune des banques testées, et, de là, sur la solidité du système bancaire. Depuis 2009, 6 exercices de stress-tests européens ont été menés avec, à chaque fois, un processus en trois étapes (Graphique 1) :
La perte en capital lors d’un stress-test s’exprime en baisse du « ratio de capital ». Le Graphique 2 est une version très simplifiée d’un bilan bancaire : le capital (c’est-à-dire les fonds propres) sert notamment à couvrir les pertes non anticipées par la banque sur ses actifs.
Le ratio de capital (ou de solvabilité) représente la quantité de fonds propres en pourcentage de l’actif (bilanciel) pondéré par les risques, soit :
Ratio de Capital (%) = Fonds propres / Actif pondéré par les risques
Les actifs pondérés par les risques sont définis comme le produit de chaque « ligne d’exposition » d’une banque multipliée par une pondération qui reflète son niveau de risque. Certains actifs sont ainsi considérés « sans risque » et se voient attribuer une pondération nulle (0%), comme certains titres d’État ou prêts garantis, alors que d’autres, très risqués, peuvent être affectés de pondérations allant jusqu’à 1250% (soit une couverture complète de l’actif par du capital pour un ratio de capital réglementaire fixé à 8%) dans le cas, par exemple, des expositions sur les actions. Ce ratio est donc un thermomètre utile et sa détérioration peut être le résultat (i) d’une baisse du capital liée à des pertes (effet numérateur) et/ou (ii) d’une hausse des actifs pondérés (effet dénominateur). La Graphique 3 présente les ratios de capital en décembre 2019 pour les 22 plus grands groupes bancaires de l’Union Européenne.
Une banque sera considérée comme fragile à l’issue du stress-test si son ratio de capital dans le scénario de stress passe en dessous du ratio minimum exigé par la réglementation et qui est propre à chaque institution en fonction des risques auxquels elle est exposée.
De par son activité de financement de l’économie réelle, une banque est exposée à plusieurs risques pour lesquels une couverture en capital est nécessaire. Le scénario adverse affecte en particulier plusieurs classes de risques, dont :
Les canaux de transmission de ces risques sont complexes et diffèrent en fonction du modèle d’affaire des banques. À titre d’illustration et de façon non exhaustive :
Dans le cadre des exercices coordonnés de stress-tests, la façon dont une banque doit prendre en compte ces différents canaux de transmission des risques est encadrée par les autorités prudentielles afin d’assurer une homogénéité de traitement et une comparabilité des résultats entre banques. En pratique, il est notamment imposé aux banques, lors de la conduite de ces exercices de stress, de raisonner sous hypothèse de bilan statique : tout se passe comme si elles n’optimisaient pas leur bilan face aux chocs sur la durée du stress test et subissaient « passivement » l’intégralité des chocs.
Si l‘utilisation des stress tests s’est imposée comme un outil de gestion du risque incontournable pour la prise de décision en matière de politique prudentielle au cours des dernières années aux États-Unis comme en Europe, la doctrine, les modèles utilisés et la nature même des enseignements à en tirer ne sont pas harmonisés d’une juridiction à l’autre et font encore l’objet de débats. Ils demeurent néanmoins des exercices utiles apportant de la visibilité quant à la capacité du système bancaire tant à résister aux chocs adverses qu’à soutenir la reprise économique dans les périodes les moins favorables. Ils sont aussi, rappelons-le, utilisés au niveau européen comme référence pour le calibrage de certaines exigences en capital des banques, en particulier celles dites du pilier 2.